Elle est arrivée le matin du 1er janvier. On s’était couchés fort tard et vers 11h, j’ouvrais péniblement les volets de la chambre quand on a vu surgir une boule de plume qui s’est écrasée au pied du lit.
Emena, ma tendre épouse, s’est cachée sous les draps en hurlant « Fais les sortir ! ». Elle se voyait déjà dans un remake d’Hitchcock avec escadrille d’oiseaux à l’attaque et des milliers d’autres postés autour de la maison.
En guise de film d’horreur on était plutôt dans une sous-série B qui manquait singulièrement de figurants. Ce n’était pas une nuée de volatiles en furie mais une pauvre chose qui gisait sur le dos, les ailes tordues et à moitié KO, et qui ressemblait vaguement ( !) à une mouette. Je contemplais tristement la bestiole qui reprenait péniblement ses esprits, à défaut de rassembler l’intégrité de son plumage.
Malgré l’absence évidente de danger, on réitéra du fond du lit l’impérieuse injonction « Fais les sortir! » ce qui m’obligea à étouffer tout prémisse d’une légitime compassion. Je pris la bête à plumes par les pattes pour la balancer d’où elle venait. Son avenir devenait soudain très incertain : d’abord un grand bol d’air avec looping ascendant, puis descente en vrille non contrôlée et enfin gamelle fatale près de la haie du voisin.
« T’as pas l’air trop bien dans tes baskets, toi » dis-je en guise de mot d’adieu.
Il n’en fallait pas plus pour titiller le cœur généreux tapi sous la couette. La tête surgit près de l’oreiller. Sous les cheveux en bataille les yeux inquiets d’Emena jaugeaient l’état du plumitif.
- C’est quoi ?
- On dirait une mouette.
- Elle est morte ?
- C’est tout comme.
Je commençais à prendre la posture de Thierry la Fronde pour optimiser mon lancer. Je ne cherchais en fait qu’à gagner du temps…
- Arrête ! Stop !
Enfin! Le bourreau était renvoyé sous les huées de la foule.
Emena regardait l’oiseau d’un œil attendri. La mouette redressait la tête et se rapapillotait.
C’est comme ça qu’elle est rentrée dans la famille. Son destin s’est joué en une fraction de seconde. Elle en fut consciente et nous en sut gré très rapidement. Aujourd’hui, elle nous a adoptés et ne nous quitte plus.
Un blog, une mouette, un troquet, ma vie a vraiment changé !
A l’instant où j’écris ces lignes, elle est posée sur mon épaule et, parfois, d’un petit coup de bec ou d’un mouvement d’aile, elle m’indique les fotes (« oui, j’ai vu ! ») fautes d’orthographe. Vous ne me croyez pas ?
Vous allez découvrir au fil du temps que ce n’est vraiment pas un oiseau ordinaire. Ce blog, elle pourrait le tenir à ma place et un de ces jours vous trouverez sûrement sa signature au bas d’une note.
Maintenant vous comprenez pourquoi le Mich’troquet est à l’enseigne de La Mouette qui Tousse.
Parce qu’en plus, elle tousse ! Parfois, au milieu d’un babillage, il lui prend une quinte qui lui perle les yeux. C’est aussi pour ça qu’on l’aime tant et qu’on est heureux de l’avoir avec nous!
La seule maladie contagieuse qu’il faut redouter c’est la connerie. On n’en meurt pas, mais on en crève.
Une petite toux de mouette, ça débusque bien les cons. C’est parfois utile…
A défaut de mouette, ça marche aussi avec ça.
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